Message du 1er novembre 2006





MESSAGE DE TOUSSAINT

Mon fils,

La paix soit avec toi et les tiens. Ils sont nombreux ceux qui vivent leur foi sur le modèle du Jeune Homme riche de l’Évangile (v. Mt 19, 16-22 ; Mc 10, 17-31 ; Lc 18, 18-30). Sous prétexte qu’ils ne tuent pas, ne volent pas, ne commettent pas l’adultère et accomplissent des actes de charité, ils s’estiment satisfaits et croient avoir, comme ils le disent, « gagné » leur Ciel. Pourtant, le jour où ils se retrouveront dans la lumière tranchante de la Vérité, ils ne manqueront pas, je te le dis, d’être surpris. La charité authentique ne peut, en effet, se vivre que dans un cœur ouvert, dilaté par l’amour.

Observe, dans l’Évangile, le comportement des Pharisiens : il n’est pas un instant où ils ne s’estiment dans la vérité et dans leur droit de faire la morale aux autres. Esclaves des rites et amis des principes, ils sont perpétuellement en train de juger et de condamner sans merci ceux qui leur semblent s’écarter ouvertement de la loi, alors qu’eux-mêmes dissimulent leurs penchants et leurs actions mauvaises sous des vêtements immaculés. Lorsque je leur ai dit, en présence de la femme adultère : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! » (Jn 8, 7), tous se sont retirés sans broncher face à cette vérité, que jamais personne ne leur avait mise sous les yeux.

Poursuis ton travail en profondeur, mon fils, et n’aie pas peur de voir les choses telles qu’elles sont : cela te permet de comprendre ce que beaucoup ne comprennent pas. Continue aussi d’accueillir inlassablement ceux qui te sollicitent et aide-les à ouvrir les yeux. J’entends souvent mes enfants me dire : « Seigneur, fais que je voie ! » (Mc 10, 51), mais en réalité, dès qu’ils se trouvent dans des circonstances où ils pourraient être éclairés, ils se dérobent, ils ne veulent pas voir, ils ne veulent pas entendre, ils ne veulent pas savoir. Et parfois, pire que cela : ils se permettent de critiquer ou de juger ceux qui ont le courage d’ouvrir les yeux sur eux-mêmes et de travailler à se mieux connaître pour devenir meilleurs et faire ma volonté.

Je suis las des jugements et des interprétations mesquines. J’aime l’authenticité et la pureté des sentiments. C’est pourquoi je bénis celui qui se dépouille d’abord de lui-même pour se faire disciple. Il accomplit ma volonté. Quand j’ai dit au Jeune Homme riche d’abandonner tous ses biens, il s’agissait, certes, de ses biens matériels mais aussi, au-delà de ces biens, de tout le système de pensée que cette accumulation de biens impliquait. Il avait accompli la loi et pouvait en être fier. J’ai d’ailleurs aimé sa sincérité. Mais il n’a pas été capable de voir l’essentiel, car l’essentiel se situe au-delà des obligations. C’est pour vous révéler l’essentiel, ce qui est invisible au premier regard, que la Lumière est venue dans le monde (cf. Jn 1, 9).

Mes enfants, vous qui désirez, à l’image du Jeune Homme riche, hériter du Royaume des Cieux, apprenez à vous dépouiller de vous-mêmes, à vous départir du vieil homme, qui toujours vous conduit à vous comparer aux autres, à vouloir être le plus fort, à vouloir être admiré de vos frères, à soumettre votre prochain à vos désirs et à vos caprices. Apprenez à être de bons serviteurs avant de vouloir être des maîtres, et n’oubliez pas que le meilleur des serviteurs est celui qui, par la grandeur de sa charité, sait anticiper les désirs des autres.

Mais cela n’est pas tout : lorsque vous prétendez œuvrer en mon nom, ayez l’humilité d’analyser vos motivations profondes afin de déceler si votre remarquable activisme est réellement au service de la charité gratuite ou bien au service d’un ego qui compte en retirer quelque avantage. Que ne faites-vous pas, en effet, pour que l’on vous remarque et que l’on chante vos louanges ! Le domaine public est tellement facile à séduire.

Qu’en est-il, mes enfants, de votre vie personnelle ? de votre vie communautaire ? Quand pourra-t-on dire de votre fraternité : « Voyez comme ils s’aiment (1) » ? La jalousie, les rapports de force et l’indifférence y sont encore trop présents et doivent disparaître. Vous excellez, mes enfants, dans vos domaines respectifs mais sachez que je n’agréerai complètement vos œuvres que si vous établissez l’harmonie dans votre vie personnelle et communautaire et si la charité et la prière en sont le fondement.

Je vous ai demandé de nombreuses fois de lire Paul. Qu’en avez-vous retenu ? Vous avez tout, à présent, pour pouvoir vous lancer, mais où est cette communion d’âmes à laquelle je vous ai encouragés ? Chacun œuvre trop dans son coin. Je veux de la charité. Relisez, mes enfants, les passages des Actes sur les premières communautés, et vous comprendrez mieux ce que vous devez faire. Dans votre apostolat, je veux de l’amour, des échanges, de la douceur, de la franchise et de la patience, car seules ces vertus vous permettront d’éviter la discorde et les moments difficiles. Vous savez combien le Démon aime à se dissimuler dans les œuvres naissantes. C’est pourquoi il doit y régner l’amour. Lorsqu’une âme conserve des coins obscurs, il se plaît à s’y infiltrer pour abîmer ensuite tout le reste. Ne le laissez pas agir à son aise.

Lorsque d’autres ne pensent pas comme vous, essayez d’abord de les comprendre avant de les juger ou de les éloigner. Convertir n’est pas faire de vos frères, en mon nom, des clones de votre propre manière de penser, mais les conduire à l’Évangile. Si vous vous montrez secs et intransigeants, vous n’y parviendrez pas dans cette société. En revanche, l’amour et la patience sont facteurs de conversion. La gentillesse, l’écoute, la compréhension, la parole de science qui va directement au cœur. Combien de personnes se détournent chaque jour de mon Église ou ne veulent pas la rejoindre à cause des paroles tranchantes ou peu charitables et des comportements impatients de certains de mes enfants.

Respectez-vous les uns les autres. Combien d’amis et même de couples chrétiens se voient contraints de se séparer parce que l’un veut faire de l’autre sa propriété et le manipuler à sa guise. Dans l’amitié comme dans le mariage, il n’est d’épanouissement que dans la liberté de chacun. Mais cette liberté n’est pas égoïste : elle est liberté de communiquer, d’échanger, de partager sans tenter d’imposer ; liberté aussi de grandir ensemble pour outrepasser les égoïsmes mutuels.

Comment faire, mes enfants ? Tu le sais, mon fils : aller au fond de soi à la recherche des faiblesses de l’ego et apprendre à dépasser la loi pour entrer dans l’amour. Ce n’est pas chose facile mais c’est une nécessité pour qui veut vivre sa foi en esprit et en vérité. Comportez-vous en frères, mes enfants. Soyez attentifs les uns envers les autres et vous verrez combien les choses changeront. En ce temps de Toussaint, vos frères du Ciel vous remercient pour vos prières et restent en union avec vous. Ils ne demandent qu’à être sollicités pour vous aider à faire grandir votre œuvre.

Je te bénis, mon fils, ainsi que ton frère spirituel, ton père spirituel, vos familles et vos amis.

Jésus

(1) C’est ce que disaient les païens des premiers chrétiens (cf. Apologétique de Tertullien, n. 39 § 7).