Sermon du 25 décembre 2005





SERMON DE NOËL
(Inspiré au messager pour une paroisse)

Mes frères,

Si je racontais, ce soir, aux plus jeunes, l’histoire d’un enfant pas comme les autres, né d’une mère humaine et d’un père qui ne serait pas humain, l’histoire d’un enfant qui a passé sa vie à combattre le Prince des ténèbres, et en est sorti victorieux grâce à son amour ; si je leur parlais d’un personnage qui a été capable d’accomplir des prodiges, de sauver l’humanité de l’emprise du Mal et de vaincre la mort, je suis sûr qu’ils se diraient : « L’abbé a dû aller au cinéma voir Harry Potter ! »

Quand je vois l’enthousiasme général que suscite encore ce personnage, qui a fait se déplacer, au cours de ces dernières semaines, plus de six millions de fans vers les salles de cinéma, je me dis que si nos enfants avaient pour Jésus le même attrait, s’ils dévoraient le Nouveau Testament avec la même avidité, et s’ils allaient à la messe retrouver le Fils de Dieu avec la même ardeur que celle qu’ils mettent à aller retrouver leur jeune héros au cinéma, nos salles de catéchisme seraient pleines à craquer, nos églises afficheraient « salle comble » et nous ne manquerions pas de vocations sacerdotales et religieuses !

Car c’est bien de Jésus que je parlais tout à l’heure, et non de Harry Potter !… Alors, la question que nous pouvons nous poser est la suivante : pourquoi autant d’enthousiasme pour ce personnage qui ne restera jamais qu’un être fictif issu de l’imagination humaine, et si peu d’intérêt pour Jésus, qui, lui, a réellement existé et a eu une vie bien plus extraordinaire encore ?

L’Ancien Testament prédisait déjà sa venue (v. Mi 5, 1 ; Mt 2, 5-6). Puis, l’Archange Gabriel en personne annonçait à Marie qu’elle allait, par l’action de l’Esprit Saint, être la Mère de cet enfant exceptionnel (v. Lc 1, 26-38). L’Ange du Seigneur apparaissait en songe à Joseph pour lui faire part de cet événement (v. Mt 1, 18-24) ; une étoile, surgie du ciel d’Orient, conduisait un groupe de Mages jusqu’au lieu où se trouvait l’enfant (v. Mt 2, 2 ; Mt 2, 9), et l’Ange du Seigneur venait avertir les bergers de Bethléem de sa naissance tandis qu’une multitude de voix célestes chantait à tue-tête : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la Terre aux hommes qu’il aime ! » (v. Lc 2, 8-14)

Mes frères, rien de tout cela n’est issu de l’imagination d’une Madame Rowling : c’est la plus pure des réalités, car cet Enfant qui nous est né en ce soir de Noël n’a pas eu pour père Joseph, le charpentier, mais Dieu lui-même !

Dès ses premières années, il a été « plein de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui » (Lc 2, 40), nous dit l’Évangile. À l’âge de douze ans, Marie et Joseph l’ont même retrouvé assis dans le Temple de Jérusalem, au milieu des docteurs de la loi, où « tous ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses » (Lc 2, 47). Inutile de passer par l’école de Poudlard quand on est le Fils de Dieu !

Ainsi, la vie entière de Jésus n’a été que merveilles, et, par la puissance de son amour et de son rayonnement, il a conquis le cœur de tous ses disciples et futurs disciples moldus (1), qui se sont appelés les « chrétiens ».

Jésus donne la joie, comme en témoigne le passage des Noces de Cana, où il change l’eau en vin et réjouit l’assistance (v. Jn 2, 1-12). Il sauve ses Apôtres des éléments déchaînés en apaisant la tempête sur le lac (v. Mc 4, 35-41). Il donne l’espérance, celle d’être un jour rassasié, comme en témoigne le passage de la Multiplication des pains – acte qui préfigure le don de l’Eucharistie (v. Mt 14, 13-21 ; Mt 15, 32-39). Il donne la charité, comme le montrent tous les passages où éclatent, à son contact, les cœurs de pierre pour devenir des cœurs d’amour !

Jésus est le guide et le protecteur, le médecin des corps et des âmes : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent » (v. Mt 11, 5). Il remet aussi les péchés à la pécheresse (v. Lc 7, 36-50) et au paralytique (Mt 9, 1-8), comme il pardonne encore les nôtres dans le sacrement de Réconciliation (v. Jn 20, 23). Enfin, il ramène les défunts à la vie, comme en témoigne, entre autres, le passage de la Résurrection de Lazare (v. Jn 11, 1-43) – acte qui symbolise notre propre résurrection.

L’Évangile, mes frères, n’est pas un roman : c’est la Parole de Dieu, c’est notre foi ! Et ce qu’il nous enseigne concerne notre salut et notre Éternité. Alors, comment, en ce jour de Noël, ne pas centrer toute notre attention sur l’Enfant de la Crèche, vers ce Jésus né à Bethléem, mort sur une croix et sorti victorieux du tombeau, qui nous a promis qu’il serait avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20) ? Avec nous, direz-vous, mais comment ?

C’est là, mes frères, que nous avons rendez-vous avec le surnaturel – et le vrai, cette fois ! Que va-t-il se passer, tout à l’heure, sur cet autel, lorsque je redirai les paroles de la consécration ? Eh bien, Dieu va y venir en personne – en la personne de Jésus ! Un Jésus sans doute invisible à nos yeux humains mais pourtant réellement présent !

Quand nos enfants s’émerveillent devant la cape d’invisibilité de Harry Potter, qui n’est qu’une histoire, comment ne pas nous émerveiller devant l’Hostie consacrée, où Jésus, invisible à nos yeux de chair, vient s’offrir à nous en nourriture d’Éternité ? Et comment ne pas recevoir Jésus-Hostie sans un immense respect, dans un cœur préalablement réconcilié avec Dieu par une sincère confession auprès d’un prêtre ?

Mes frères, si Jésus est venu sur cette Terre, c’est pour nous aider à y grandir en charité et en sainteté. Et s’il nous a laissé son précieux Corps et son précieux Sang en nourriture spirituelle, c’est parce qu’il s’est fait Pain de Vie (v. Jn 6, 35). Pain de Vie pour nous permettre de franchir un jour les portes de la mort et d’entrer dans la Vie Éternelle (v. Jn 6, 51), où, dans son amour, nous retrouverons tous ceux que nous aimons et qui nous ont quittés : un père, une mère, un fils, une fille, un frère, une sœur, un ami, un voisin, sur lesquels Jésus, déjà, veille soigneusement s’ils ont été sauvés.

Alors, mes frères, profitons de ce temps de Noël pour ouvrir notre cœur à l’Enfant de la Crèche. Profitons de ce temps de Noël pour nous réconcilier avec Dieu et avec nos frères. Et demandons à la Vierge Marie, si belle et si rayonnante en cet anniversaire, de nous aider, sous la motion de l’Esprit Saint, à accueillir dans notre cœur la sagesse et la charité de son divin Fils. Ainsi nous serons prêts à devenir de véritables chrétiens, capables de faire de vrais miracles d’amour – et cela, sans l’assistance d’une baguette magique. Joyeux Noël, mes frères !

Amen.

(1) Le terme moldu a été inventé par J.-K. Rowling, auteur de Harry Potter. Il est attribué à toutes les personnes qui sont dépourvues de pouvoirs magiques et qui restent dans l’ignorance de l’existence du monde des sorciers.