Message du 4 août 2022





(Fête du saint Curé d’Ars)

Mes chers frères prêtres,

C’est à vous que je m’adresse cette année pour vous dire d’abord tout mon amour car vous êtes non seulement des enfants de Dieu mais aussi mes frères en Jésus-Christ dans le sacerdoce. Et c’est justement de cela que je voudrais vous entretenir parce que nombre d’entre vous vivent ce sacerdoce d’une manière par trop humaine et trop matérielle, et n’ont que bien peu conscience de leur identité de prêtres du Tout-Puissant et des pouvoirs qui leur ont été conférés par le Bon Dieu lui-même.

Ah ! mes chers frères prêtres, qu’il est doux d’accueillir en soi la grâce de l’Ordination sacerdotale et de se donner au Seigneur corps et âme et spontanément ! Qu’il est doux de ne faire plus qu’un avec notre Jésus et d’agir par lui, avec lui et en lui, portés par cette même grâce ! Qu’il est doux de veiller sur les âmes des petits et des grands, des riches et des pauvres, et de leur administrer les sacrements que notre Seigneur Jésus lui-même met à leur disposition par son Église. Qu’il est doux, enfin, de leur enseigner les Saintes Écritures, de leur dire l’amour dont le Bon Dieu les aime, et de les aider à se relever chaque fois qu’elles trébuchent sur les chemins de la vie tout au long de leur pèlerinage terrestre !

Pourtant nombre d’entre vous, mes chers frères prêtres, n’ont pas conscience de cela et préfèrent être comme ces explorateurs curieux qui, depuis l’intérieur d’une nacelle, vont à la découverte de monstres marins difformes et aveugles au fond des océans, alors qu’il leur serait tellement plus bénéfique de chausser un simple masque de plongée et de contempler parmi les récifs coralliens, non loin de la surface, tout une variété chamarrée de faune et de flore, qui comblent le regard.

Qu’est-ce à dire ?

Eh bien, que vous vous laissez trop souvent enfermer dans un carcan rigide et sclérosant, et entraîner aveuglément sur des chemins qui vous éloignent du rayonnement de la foi et jamais ne vous comblent, alors qu’il vous suffirait de vous mettre davantage au service du Bon Dieu à toute heure du jour et d’aider sans rechigner les âmes qui croisent votre route pour que votre sacerdoce, alors au diapason du Ciel, se mette à combler votre vie et devienne délectablement fructueux par la pratique de l’abnégation, d’une saine évangélisation et d’une charité sans faille.

Je souffre, mes chers frères prêtres, de vous voir parfois si affairés à ne rien faire (cf. 2 Th 3, 11), trop souvent accaparés par des réunions, soumis à des séminaires, des moments de concertation, penchés sur les bilans et les évaluations d’une bureaucratie déstabilisante, trop souvent contraints à l’enseignement d’une catéchèse fâcheusement horizontale, et, parallèlement, si peu présents sur le terrain auprès d’âmes en recherche, affamées et assoiffées de Dieu, qui auraient tellement besoin de vous. Armez-vous donc de courage et de zèle, demandez l’assistance de l’Esprit Saint et accomplissez votre mission sacerdotale avec confiance !

Combien de temps, en fait, consacrez-vous aujourd’hui à apporter le Bon Dieu autour de vous dans les familles et les foyers, dans les écoles, dans les hôpitaux et dans les prisons ? Combien de temps consacrez-vous à enseigner, à expliquer l’Évangile en vérité, à confesser les âmes en détresse, à parler des saints et des anges, du bien et du mal, du Bon Dieu mais aussi du Diable, de la puissance des sacrements, et surtout à parler du Ciel – oui, mes chers frères prêtres, à parler du Ciel et de la communion des saints, que si peu, même parmi vous, connaissent ? Que savez-vous de tout cela ? Y croyez-vous vraiment ? Et comment pouvez-vous en parler sincèrement si votre foi n’est pas solide, si vos connaissances sont partielles et si votre fidélité chancelle ?

Quelles solutions apportez-vous aux parents qui se trouvent déstabilisés par des enfants arrogants et indisciplinés ? Comment abordez-vous les questions d’éthique et de morale avec les personnes qui se destinent au mariage, mais aussi avec les adolescents ? Quelles paroles de vie offrez-vous à celles qui perdent un être cher ? Quel réconfort apportez-vous à celles qui souffrent de maladie, de solitude, et à la veuve et l’orphelin ? Autant de questions sur lesquelles vous devriez être incollables pour instruire, enseigner et reprendre les uns et les autres à temps et à contretemps à la lumière de la Parole de Dieu (cf. 2 Tm 4, 2).

Vous qui, par votre sacerdoce, êtes unis plus que quiconque à la Trinité Sainte et revêtez concrètement le Christ lors de chacune des messes que vous célébrez pour apporter aux hommes le Corps sacré et le Sang précieux de Jésus-Eucharistie, que n’avez-vous conscience, mes chers frères prêtres, du don incroyable, impensable, ineffable, extraordinaire que vous confère votre ministère ? Vous qui possédez des pouvoirs transmis directement par le Christ Jésus lui-même à travers la succession apostolique, que ne les utilisez-vous pour accomplir quotidiennement des miracles dans les cœurs et dans les âmes – miracles de conversion, miracles de libération, miracles de réconciliation, miracles de sanctification, prémices des Demeures Célestes – et vous en réjouir humblement puisque c’est Dieu et Dieu seul qui, à travers vous, accomplit ces merveilles ?

Car vous le savez bien, chers frères prêtres, c’est le Bon Dieu qui s’exprime par votre bouche lorsque vous dites la Parole et sollicitez son Esprit pour la commenter, c’est le Bon Dieu qui agit aussi par vos mains lorsque vous administrez à ses enfants les sacrements de son Église et lorsque vous les bénissez, c’est le Bon Dieu qui répond à vos prières lorsque vous requérez ses faveurs pour les pauvres pécheurs : que ne le sollicitez-vous à chaque instant de votre vie ?

Si certains d’entre vous sont souffrants et ne peuvent exercer pleinement leur ministère, qu’ils ne se découragent point pour autant et mettent leur espoir dans le Seigneur. Qu’ils consacrent les forces dont ils disposent à s’unir pleinement au Seigneur Jésus-Christ à toute heure du jour et de la nuit, et déposent au pied de sa Croix douleurs, chagrins et doléances par la médiation extraordinaire de Marie, Mère des Affligés, qui se tenait au pied de cette Croix pour participer au Calvaire de son Fils. S’ils ne peuvent pas même prier, qu’ils se nourrissent régulièrement de l’Eucharistie et crient simplement « Abba ! (Père) » au Bon Dieu, qui comprendra, par cette économie de mots, la profondeur de leur souffrance, et leur enverra sa paix.

C’est parce que trop d’entre vous n’ont pas assez de foi ou pas assez de zèle, parce que trop d’entre vous sont blasés voire découragés et se compromettent avec le monde, que notre Bon Jésus se voit contraint d’aller aux croisées des chemins (cf. Mt 22, 9) afin d’y mandater prophètes et messagers pour pallier la pauvreté de la prédication et convertir ceux qu’il a déjà préparés pour devenir ses enfants.

Si certains d’entre vous se tournent vers les idoles de ce temps, ne revêtent pas le vêtement requis pour le repas des Noces de l’Agneau et déshonorent leur sacerdoce, qu’ils renoncent à leurs frasques et se tournent humblement vers le Bon Dieu avec un cœur sincère et contrit : il les accueillera dans sa miséricorde, les réconfortera et ravivera leur foi. Mais s’ils persistent à rester des intendants indignes, ils auront, évidemment, à lui rendre un jour des comptes car sa clémence a des limites.

Je prie le Bon Dieu, mes chers frères prêtres, pour que vous restiez fidèles à son Église, pour que vous soyez humbles, spirituels, priants, proches de vos ouailles et de vos frères, accueillants, aimants, charitables et généreux, ne ménageant point vos efforts pour notre Jésus et pour la Sainte Vierge, qui toujours vivifie la foi de ses enfants.

Je bénis, en ce jour qui m’est consacré, tous les prêtres du monde, et remercie le messager qui me prête sa plume pour vous transmettre ces paroles dans la communion de tous les saints.

+ Jean-Marie Vianney, prêtre.

Approbation du Père Marc-Antoine Fontelle o.b., docteur en théologie, en droit canonique et en droit civil.