Sermon du 25 décembre 1994





SERMON DE NOËL
(Inspiré au messager pour une paroisse)

Mes frères,

Alors qu’en cette nuit de Noël, les saints et les anges chantent dans le Ciel la gloire du Seigneur, la plupart des églises connaissent, sur la Terre, une affluence inaccoutumée : n’est-ce pas, pourtant, que justice lorsqu’il s’agit de fêter la naissance de l’Enfant-Dieu ? Cependant, nombre de prêtres constatent qu’à l’exception du temps de Noël, de Pâques et de la Toussaint, leurs églises restent bien vides… Trop de chrétiens, en effet, semblent non seulement délaisser la vie spirituelle mais aussi se trouver de multiples raisons de le faire : études, impératifs professionnels, tâches ménagères, bricolage, sport, voyages, loisirs… Mes frères, cela est fort dommage !

Il faudrait, au contraire, que chaque dimanche fût comme ce soir, et, qu’en famille, chacun abandonnât pendant une petite heure sa maison et ses activités pour venir rendre visite au Bon Dieu. Est-ce donc tant demander à des paroissiens qui se disent chrétiens ? Car, mes frères, la Présence réelle du Seigneur n’est ni dans les cœurs ni dans les maisons ni dans les paysages – si majestueux soient-ils – mais bien ici, à l’église, précieusement conservée au fond du tabernacle, et elle sera tout à l’heure sur cet autel même, au moment de la consécration du pain et du vin.

Il en est ainsi, mes frères, de votre propre participation à la messe : ici, votre présence est réelle, et ceux qui se seront préparés, par une confession, à recevoir l’Eucharistie rencontreront vraiment le Seigneur, alors que ceux qui auraient pu le faire mais seront nonchalamment restés chez eux, devant leurs écrans de télévision, ne bénéficieront pas de cette grâce. Ce soir, c’est donc votre présence effective qui touche le cœur de Dieu, mais c’est aussi l’effort quotidien que vous vous engagerez à fournir en sortant de cette église, pour toujours progresser dans le bien, dans l’amour et dans la splendeur de la Vérité.

Alors, il ne faudrait pas, mes frères, que vous repartiez tout à l’heure sans avoir été touchés tant soit peu par cette Vérité, touchés par cette grâce spéciale que le Bon Dieu nous donne à tous de recevoir en ce soir de Noël : grâce d’entendre la Bonne Parole avec un cœur plus réceptif et plus aimant, grâce d’y voir plus clair en nous-mêmes, grâce enfin d’entrer, ne fût-ce qu’un instant, dans cet incommensurable mystère d’amour qu’on appelle la Rédemption.

En cette nuit de Noël, nous dit l’Écriture, un Sauveur nous est né ! Il y aura bientôt deux mille ans, le Bon Dieu est venu en personne sur cette Terre. S’il était venu tout droit du Ciel à bord d’un vaisseau spatial, nous l’aurions sans doute accusé d’être un extraterrestre et de ne pas pouvoir comprendre les hommes puisque n’étant pas de la même espèce. Mais iI nous a envoyé son propre Fils en la personne de l’Enfant de la Crèche, qui nous a donné de mieux comprendre encore notre nature humaine.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, n’a-t-il pas dit que c’est ce qui sort du cœur de l’homme qui est impur (cf. Mt 15, 19), et que « Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis dans son cœur l’adultère avec elle » (Mt 5, 28) ? Alors, mes frères, abstenons-nous de critiquer le Saint-Père lorsqu’il défend fidèlement l’enseignement du Christ contre la dégradation des mœurs. L’Église est souvent accusée de se montrer rétrograde, mais est-ce à la société d’imposer à Dieu sa loi ou bien à Dieu de protéger la société en lui donnant des commandements ? C’est justement pour nous, qui avons tant de mal à bien respecter ces commandements, que Dieu a envoyé son Fils.

Noël : un Enfant nous est né ! Noël, un Messie nous a été donné ! Un enfant qui, nous dit saint Luc, « grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui » (Lc 2, 40). C’est pourquoi, devenu adulte, il a voulu nous rassembler tous derrière lui : ceux qui parviennent à vivre en bons chrétiens, mais aussi ceux qui ont du mal à le suivre, et tous les autres. Quels que soient leurs péchés, quelles que soient leurs faiblesses, dans son amour miséricordieux, Jésus, l’Emmanuel, les attend. Il nous attend ! Il attend que nous nous tournions vers lui et que nous changions notre cœur, que nous nous convertissions, même si cela doit nous demander de rudes sacrifices.

Car son enseignement n’a pas été copié sur le monde, avec les principes et l’hypocrisie du monde. La religion catholique, mes frères, est une religion d’amour, une religion issue du cœur de Dieu pour toucher le cœur des hommes. Et elle est d’autant plus belle que l’Enfant qui nous l’a donnée est issu du cœur d’une Mère humaine, la Vierge Marie. Alors, réjouissons-nous parce que nous croyons ! Réjouissons-nous parce que nous savons que nous avons dans le Ciel un Père qui nous aime et qui ne veut pas qu’un seul de ses petits se perde (cf. Mt 8, 14).

Et demandons tous au Bon Dieu de mettre en notre cœur la vertu d’humilité : une humilité qui nous pousse à reconnaître sincèrement nos fautes et à nous en laver auprès d’un prêtre avant de rencontrer Dieu dans une Eucharistie qui soit une vraie communion d’amour ; une humilité qui nous interdise de chercher sans cesse des circonstances atténuantes à toutes nos désobéissances ; une humilité qui nous pousse enfin à nous réconcilier avec tous nos frères sans exception, même lorsque cela nous est difficile.

Mes frères, en cette nuit de Noël, le Bon Dieu nous demande à chacun un effort particulier : il veut que nous fassions la paix dans nos familles, et, même si nous ne sommes pas coupables, que nous fassions le premier pas autant de fois que nécessaire pour que l’harmonie y règne de nouveau. Si nous ne pouvons pas, à notre niveau, faire cette paix, alors, que nous offusquons-nous devant les guerres et les horreurs que nous voyons dans le monde ?

Non, mes frères, cette demande n’est pas une utopie ! La vie de l’Enfant de Bethléem, faite de perfection, en est la preuve irréfutable. S’il n’avait pas su que cette paix était possible, il ne nous aurait jamais demandé d’être « parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48), et il ne nous aurait jamais laissé son Corps et son Sang en nourriture spirituelle pour nous en donner les moyens.

Malheureusement, il est certain que celui qui vit égoïstement sans jamais donner ni partager, qui s’estime sans cesse supérieur aux autres et aime toujours mieux se faire servir plutôt que de servir ; celui qui impose toujours à son entourage les manifestations de son mauvais caractère, de son autorité ou de son intolérance ; celui qui se complaît dans une vie bassement matérielle et néglige les sacrements et la vie spirituelle ; celui qui néglige la vie de famille pour s’adonner au jeu, à la boisson, retrouver ses amis ou rester devant un ordinateur qui lui prend tout son temps ; celui qui cherche toujours querelle et pour qui l’argent passe en premier ; il est certain que celui-là, mes frères, aura sans doute bien du mal à comprendre l’enseignement de l’Enfant de Noël et à entrer un jour dans l’Éternité sans avoir des comptes à lui rendre.

Contemplons-le, cet Enfant : lui, si petit, si doux, si humble, si pur, alors que l’orgueil défigure les hommes, que la violence déchire le monde, que l’argent règne en maître, que l’impureté pénètre jusque dans l’intimité de nos maisons, de nos foyers, jusqu’au fond de nos campagnes et de l’esprit de nos enfants, par le biais de médias corrompus…

Alors, l’heure est venue, mes frères, de nous poser sincèrement une question : voulons-nous oui ou non vivre dans le monde avec Jésus ? Si c’est oui, réagissons ! Si c’est oui, ne nous laissons pas séduire par les tentations du monde, par la consommation à outrance, par la corruption des mœurs encouragée par les médias, et par les spiritualités faciles qui proposent des pouvoirs étonnants et cherchent l’illumination sans passer d’abord par l’obéissance à l’Église et par la Croix ! Soyons sérieux, mes frères, et efforçons-nous de devenir plutôt de vrais enfants de Dieu !

Dans sa Lettre aux Enfants, (1) parue le treize de ce mois, le pape Jean-Paul II nous rappelle que l’Enfant de Bethléem, une fois devenu grand, Maître de la Vérité divine, dira aux Apôtres, comme ils discutaient sur la question de savoir qui était le plus grand : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des Cieux » (Mt 18, 3). Le Ciel, nous dit le pape, est promis à tous ceux qui sont simples comme les enfants, à tous ceux qui, comme eux, sont remplis d’un esprit d’abandon dans la confiance, purs et riches de bonté. Eux seuls peuvent retrouver en Dieu un Père et devenir à leur tour, grâce à Jésus, des fils de Dieu. N’est-ce pas là, poursuit le pape, le grand message de Noël ?

Dieu nous aime, mes frères, et il attend de nous que nous fassions le premier pas pour lui dire nous aussi notre amour. Mais attention ! pas n’importe quel amour : un amour qui accepte toujours, en toute circonstance, que sa volonté à lui soit faite sur la Terre comme au Ciel, et non point la nôtre. Tel est, en effet, l’amour inconditionnel qui anime les saints et peut aller, sur les traces du Sauveur, jusqu’aux plus grands sacrifices et même jusqu’au martyre.

N’oublions pas, mes frères, pour nous aider à accomplir ce grand dessein d’amour, l’assistance de notre bonne Mère, la Vierge Marie, qui a porté en son sein le Bébé de la Crèche. L’assistance de cette Mère admirable d’humilité, de sainteté et de fidélité qui, dans la plus grande obéissance à la volonté de Dieu a suivi son Fils jusqu’au Calvaire. C’est pour cela qu’elle peut nous comprendre dans nos peines autant que dans nos joies. N’hésitons pas à la prier souvent. Pensons aussi à saint Joseph, à nos anges gardiens, et à tous les saints – ceux que nous vénérons sur les autels mais aussi nos défunts, que nous avons connus et aimés, et qui prient avec nous ce soir dans la communion des saints.

Enfin, mes frères, demandons à la Mère de Dieu, Mère de l’Église et Mère des hommes, de nous conduire au pied de la crèche pour nous faire contempler l’Enfant-Dieu. Alors, devant pareille perfection et pareille pureté, peut-être prendrons-nous conscience de nos fautes et, le visage baigné de larmes de joie, serons-nous conduits à renoncer au péché pour nous abandonner totalement à l’amour miséricordieux de Jésus, qui seul peut nous conduire au Ciel. Joyeux Noël à tous, mes frères !

Amen.

(1) Cf. Lettre du Pape aux Enfants, en l’année de la Famille, Jean-Paul II, 13 décembre 1994