Sermon du 4 août 1998
SERMON DU 4 AOÛT 1998
(Inspiré au messager pour une paroisse
en la fête du saint Curé d’Ars)
Mes frères,
Comme il est bon, de temps en temps, que l’homme s’interroge sur la manière dont il sert le Bon Dieu dans sa vie de tous les jours. Car le plus grand bonheur du Bon Dieu, c’est que l’homme ne l’écarte pas de sa vie et qu’il l’invite, à chaque instant, à y participer en se plaçant sous la douce tutelle de son Esprit – la seule qui puisse faire de lui un saint ! Cela n’arrivera évidemment jamais si vous ne vous souciez pas du Bon Dieu en dehors des moments – toujours trop rares – que vous lui consacrez dans la prière et à la messe dominicale.
À les en croire, les amoureux pensent tout le temps l’un à l’autre, même lorsqu’ils sont séparés. Ils se plaignent de ne se voir jamais assez, de ne se parler jamais assez. Mais qu’en est-il de l’homme avec le Bon Dieu, qu’il devrait aimer de tout son cœur, de tout son esprit et de toute son âme ? Qu’en est-il de vous avec le Bon Dieu ?
Ceux qui nagent dans le bonheur matériel avoueront sincèrement qu’ils ne se soucient guère de leur Père du Ciel. C’est seulement lorsque se présente, dans leur vie, quelque difficulté, qu’ils pensent à se tourner vers lui. Quant à ceux qui souffrent, ils s’adressent plutôt à lui pour lui faire des reproches : « Avec tout ce qu’on doit endurer, disent-ils, nous n’allons pas encore dire merci au Bon Dieu ! Ce serait être bien hypocrite ! »
Mes frères, que nous soyons souffrants ou en bonne santé, notre vie n’en reste pas moins un don de Dieu. Alors, pourquoi rendre Dieu responsable de tous nos malheurs ? Est-il normal que, lorsque la vie nous sourit, nous ne pensions pas à le remercier, et que, lorsque tout va mal, nous l’accusions de tous les maux ? Vous savez, le Bon Dieu est comme nous autres, humains : il n’est jamais indifférent aux attentions de ses enfants. Autant il est heureux lorsque ceux-ci se tournent vers lui, lui parlent, l’appellent à leur secours, se laissent guider par son Esprit Saint, autant il est peiné lorsque ceux-ci le rejettent, l’écartent de leur route, l’éloignent de leur vie. Voyez ! Le Bon Dieu est comme une mère qui entendrait ses petits pleurer et qui se précipiterait à leur secours, mais qui se verrait rejeter par eux, comme si elle était responsable de leur chute.
En fait, l’homme n’est jamais content ! Si le Bon Dieu lui imposait une manière d’agir et de penser, il l’accuserait d’être un tyran qui régente sa vie. C’est pourquoi le Bon Dieu a donné à l’homme la liberté. Mais je m’en vais vous dire comment l’homme souhaiterait que soit cette liberté : il la voudrait pour lui seul, pour pouvoir faire le mal tout autant que le bien, à sa guise, mais il ne voudrait surtout pas que les autres puissent user de la leur pour contrecarrer ses plans ou pour le faire souffrir. C’est pourquoi, quand cela se produit, l’homme rend le Bon Dieu responsable du mal que les autres lui font !
Mes frères, quel paradoxe ! Si l’homme veut la liberté, il doit en assumer les avantages et les inconvénients. Car c’est la liberté qui nous permet, à tout instant de notre vie, de dire « oui » au Bon Dieu et de faire sa volonté pour lui plaire ou, au contraire, de lui dire « non » et de nous tourner délibérément vers le mal en le peinant.
Ceux qui se tournent vers le bien sont agréables à Dieu. Ceux qui se tournent vers le mal sont des traîtres, et leurs actions contraires au plan de Dieu. Parce qu’il y a la liberté, il y a des « bons » et il y a aussi des « méchants » : des méchants qui n’hésitent pas à commettre des abominations pour satisfaire leur appétit de pouvoir, de richesse, et leurs convoitises charnelles.
Et chaque jour, dans nos journaux, nous découvrons avec horreur le tribut de la liberté humaine : guerres, meurtres, viols, corruption, vols, fraude, mensonge… Chaque jour, nous découvrons les aléas de cette providence qui, tantôt favorable tantôt funeste, paraît favoriser les uns en leur donnant richesse, bonheur et succès, ou accabler les autres en les faisant souffrir ou périr. Alors, direz-vous, à quoi le Bon Dieu sert-il donc, lui qui peut tout ? Pourquoi n’intervient-il pas ? Est-il complice du mal ?
Mes frères, regardez un cœur qui bat dans une poitrine et irrigue tout un corps. Si ce corps se blesse et qu’il se produise une hémorragie, vous viendrait-il à l’idée de rendre le cœur responsable de l’hémorragie ? Non point ! Parce que vous savez que ce sont les battements de cet organe qui donnent à l’homme la vie. Pourtant, ne sont-ce pas ces mêmes battements qui, en pulsant le sang avec force aggravent l’hémorragie et produisent la mort ? Mes frères, quel paradoxe ! Vous laissez battre le cœur, le sang se répand et c’est la mort assurée ! Vous arrêtez le cœur, c’est la mort assurée tout autant ! En fait, ce n’est pas le cœur qu’il convient d’arrêter : lui, il fait vivre l’homme. C’est la blessure qu’il faut refermer ! c’est la plaie qu’il faut soigner ! Mes frères, vous l’avez peut-être déjà compris, ce n’est pas le Bon Dieu qu’il faut remettre en cause car c’est lui qui fait vivre l’homme ! C’est la plaie du péché de l’homme qu’il faut cautériser ! La plaie de son orgueil, de son égoïsme, de sa convoitise, de son impureté, de sa méchanceté. Car c’est l’homme qui répand tout cela autour de lui comme un poison mortel, et c’est tout cela qu’il convient d’arrêter ! Comment ? En aimant le Bon Dieu ! De quelle façon ? En imitant ce Fils qu’il nous a envoyé pour nous libérer du Péché.
Au lieu de crier au Bon Dieu, du fond de nos misères, que nous ne voulons plus de lui, que nous n’avons pas demandé à vivre, ou que nous ne voulons plus continuer de vivre, levons plutôt les yeux vers la Croix de Jésus, et méditons sur sa Passion et sur sa mort injuste, cette mort que, pourtant, il a acceptée parce qu’il savait que par elle, que grâce à elle, il pourrait nous sauver ! Mes frères, une vie tout entière ne saurait suffire à celui qui aime Dieu pour le remercier de tant de bonté.
Vous rendez-vous compte ? Le Bon Dieu a envoyé son propre Fils sur cette Terre, son Fils unique ! Et il l’a fait naître d’une femme, d’une mère humaine, comme nous, et il a grandi comme nous, et il a été semblable à nous en tout point hormis le Péché. Bien sûr, il a fait des miracles et des guérisons spectaculaires, comme le rapportent les évangélistes ; il a ramené Lazare à la vie (cf. Jn 11, 1-57) – et en cela, il nous a manifesté sa divinité. Mais n’oublions pas qu’il a connu aussi les affres de l’angoisse au Jardin des Oliviers (cf. Mt 26, 30-46), la déception de l’abandon lorsque ses Apôtres l’ont quitté (cf. Mt 26, 56), et l’horreur d’une mort infâme (cf. Mt 27, 32-50). En cela, il nous a manifesté son humanité.
Mes frères, ce mystère est si grand ! Comment le Fils de Dieu fait Homme a-t-il pu choisir de mourir sur une croix alors qu’il n’avait qu’un mot à dire pour que ces mêmes anges qui l’avaient servi dans le désert lui prêtent main forte et le ravissent du supplice de la Croix ?
Jésus, tout simplement, aimait ! Jésus nous aimait, comme il nous aime encore en s’offrant d’une manière intemporelle à son Père au cours de chaque Eucharistie. Il nous aimait comme un père ou comme une mère qui voit souffrir son enfant et qui crie vers Dieu : « Seigneur, délivrez-le de ses souffrances et donnez-les moi à la place ! »
Jésus aimait toute l’humanité, celle qui souffrait du Péché, et, prenant ce Péché sur ses épaules, il a crié vers le Père d’en délivrer les hommes, donnant jusqu’à son Corps, jusqu’à son Sang, jusqu’à sa vie pour que s’accomplît le mystérieux dessein de notre rédemption.
Alors, mes frères, si le propre Fils de Dieu a choisi de connaître toutes ces souffrances en réparation pour nos péchés, combien plus devons-nous accepter les nôtres, aussi cruelles soient-elles, et sans accuser ou rejeter le Bon Dieu, parce que lui, il nous aime ! Si vous avez mal agi contre Dieu, n’attendez pas pour confesser vos faiblesses auprès d’un prêtre, qui vous donnera son pardon. Car le prêtre est l’oreille et la main du Bon Dieu : il est l’oreille qui vous écoute et la main qui vous absout et vous fait, par le pouvoir que notre bon Jésus a transmis à ses Apôtres, retrouver la grâce et la communion de l’Église tout entière.
Ah! mes frères, comme ils sont à plaindre ceux qui ne se confessent plus ! Leur âme est comme ces malades qui sont dans un coma profond et que l’on maintient en vie par des tuyaux. Elle n’a plus d’oxygène et s’étiole peu à peu. Il lui suffirait pourtant d’un simple effort de volonté, d’un simple désir d’être pardonnée, pour qu’elle retrouve, par ce Sacrement d’humilité, la vitalité de la grâce !
Quoi de plus doux, mes frères, que de pouvoir dire au Bon Dieu : « Mon Jésus, je suis tout à vous. Grâce à votre sacrifice, j’ai pu laver mon vêtement dans le Sang de l’Agneau. Venez à présent habiter en mon âme et soyez tout à moi ! Illuminez-la de votre amour, de votre bonté, de votre charité et rendez-la prompte à aimer, à aider et à servir pour la plus grande gloire de Dieu ! » ? Quoi de plus grand, mes frères, que de pouvoir recevoir Notre Seigneur dans une âme pure et lumineuse, dans une demeure balayée, où il puisse se plaire ? Il y a tant d’âmes malades du péché, tant d’âmes qui ne sont plus confessées, tant d’âmes qui sont loin de Dieu, tant d’âmes qui se laissent séduire par les attraits empoisonnés des faux dieux et des idoles de ce temps.
Mes frères, vous ne pouvez pas, vous ne devez pas vivre sans le Bon Dieu ! Et il n’est jamais trop tard pour bien faire. Ce soir, demain, dans dix ans, dans cinquante ans, le Bon Dieu peut vous rappeler à lui. Ne restez pas loin de lui ! Apprenez à le connaître puisqu’il sera le compagnon de votre Éternité.
La vie sur Terre est comme le temps des fiançailles : Dieu l’a donnée à l’homme avant le temps des épousailles pour qu’il apprenne à le découvrir et à l’aimer. Mais cette découverte ne pourra être comblée qu’au Ciel, où Dieu sera vu face à face. Alors, avec la Sainte Vierge, cette bonne Mère, les anges, les saints et toutes les personnes que vous aurez aimées sur cette Terre, vous vivrez du bonheur de cette vision et de l’incommensurable charité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
C’est tout ce que je vous souhaite !