Sermon du 25 décembre 1997
SERMON DE NOËL
(Inspiré au messager pour une paroisse)
Mes frères,
Nous voici de nouveau à Noël ! Noël qui d’année en année continue de perdre de sa vraie signification dans la société des hommes, société toute tournée vers les biens matériels, l’argent et les plaisirs de toutes sortes. Cependant, si la société finit par en oublier son Créateur, qui a tant d’amour pour le genre humain, si elle finit par en oublier ce Fils qu’il nous a envoyé, il n’en est pas de même pour nous, chrétiens, qui sommes ici ce soir, car nous nous reconnaissons pécheurs, et nous savons que nous avons tous tant besoin de ce Jésus qui vient pour nous sauver ! Pour nous sauver de notre indifférence envers Dieu ou parfois même de cette hostilité qui nous pousse à nous rebeller contre lui dès que nous entendons parler de guerre ou d’horreur, alors que seule la liberté de l’homme se trouve en jeu. Car Dieu a créé l’homme libre, libre de se tourner vers lui, mais libre, aussi, de tuer, de violer, de tricher et d’abuser de ses frères de toutes sortes de façons. Nous avons tous besoin d’être sauvés ! sauvés de notre indifférence envers notre prochain, sauvés de nos manques d’amour : un visage fermé devant celui qui attend un sourire, une main fermée devant celui qui la voudrait ouverte, une parole dure ou un refus cassant adressés à celui qui voudrait être réconforté, tout cela fait si mal à notre prochain lorsqu’il attend de nous un simple geste d’amour.
Mes frères, cette naissance du Sauveur en cette nuit de Noël doit être le remède à nos indifférences. C’est vrai, le Christ est venu nous révéler d’une manière concrète combien Dieu aime l’homme, mais nous ne devons pas oublier qu’il est aussi venu nous révéler combien l’homme peut aimer Dieu et aimer son prochain. Oui ! l’Enfant de la Crèche a été l’exemple même de cet amour ; et se dire du Christ – c’est-à-dire chrétien – c’est nous efforcer chaque jour davantage de mettre cette capacité d’amour en pratique ! Non pas aimer d’un amour égoïste qui ne pense qu’à satisfaire sa propre convoitise ou sa propre concupiscence ; non pas aimer d’un amour mensonger qui se brouille avec son prochain pour de basses questions vénales, ou qui feint d’aimer pour retirer de lui quelque héritage : tout cela est si bas !
Aimer, c’est accueillir l’autre sans penser d’abord à soi-même, c’est accueillir l’autre sans le juger. Accueillir l’autre pour ce qu’il est : l’accueillir pauvre lorsque nous sommes riches, laid lorsque nous sommes beaux, simplet lorsque nous sommes intelligents. Aimer, c’est tendre la main vers l’autre quel qu’il soit ! vers l’athée ou le païen comme vers le croyant ! vers l’homme de couleur comme vers celui de notre race ! vers le malade comme vers le bien-portant.
Si nous reprenons la vie de l’Enfant de la Crèche, nous le verrons accueillir le lépreux, le boiteux, le paralytique, le centurion, le démoniaque, le collecteur d’impôts, la femme de mauvaise vie, tous ceux qui sont en marge de la société de son temps, et, à son contact, tous seront guéris et délivrés parce qu’ils auront cru, parce qu’ils auront renoncé aux sollicitations du Démon et qu’ils se seront volontairement et radicalement tournés vers Dieu ! Et Jésus lui-même n’a pas échappé à ces sollicitations : dès le chapitre 4 de Matthieu, le Diable lui dit en effet : « Si tu es le Fils de Dieu, fais ceci ! Si tu es le Fils de Dieu, fais cela ! », et il lui promet monts et merveilles s’il accepte de se prosterner devant lui. Mais Jésus ne cède pas et il le renvoie à la Parole de Dieu dans l’Écriture. Alors, le Diable s’en va et des anges s’approchent de Jésus pour le servir (cf. Mt 4, 9-10).
Mes frères, dans les tentations, pensons, nous aussi, à l’Écriture ! Pensons aux Commandements que Jésus nous a laissés et que nous sommes tenus d’honorer, et pensons aussi à la joie que nous éprouvons lorsque nous sortons victorieux du combat contre le Mal.
L’enjeu n’est pas sans conséquences puisque ce Jésus, qui ce soir nous est né, garantit le Ciel à tous ceux qui mettront en pratique la Parole de Dieu :
Heureux les pauvres de cœur ! (Mt 5, 3)
Heureux les doux ! (Mt 5, 4)
Heureux les miséricordieux ! (Mt 5, 7)
Heureux les cœurs purs ! (Mt 5, 8)
Heureux ceux qui font œuvre de paix ! (Mt 5, 9)
Et l’on pourrait dire aussi :
Heureux les humbles !
Heureux ceux qui sont respectueux de Dieu et de leurs frères !
Heureux ceux qui font taire leur amour-propre pour accueillir leur prochain !
Heureux, enfin, ceux qui laissent parler leur cœur !
Jésus prêchera également la réconciliation entre les hommes pour que ces derniers soient autorisés à s’approcher de l’autel. Avons-nous au moins tenté, mes frères, de nous réconcilier avec notre prochain et avec le Seigneur lui-même dans une sincère confession auprès d’un prêtre, avant de recevoir, ce soir, le Corps du Christ dans l’Eucharistie ? Si cela n’a pas été fait, je ne peux que vous encourager à accomplir cette démarche, tellement nécessaire, le plus tôt possible !
Les guerres sanglantes rapportées par la presse ou la télévision nous choquent et nous révoltent, mais quelle tristesse de voir, jusque dans nos campagnes, des familles déchirées, des enfants tués dans le ventre de leur mère, des brouilles de voisinage, des conflits dans le milieu du travail, dans le domaine de la politique et, à notre plus grande honte, dans celui de la religion ! Efforçons-nous de mettre un terme à tout cela. Que cette soirée de Noël soit pour nous tous, mes frères, une soirée de paix et de réconciliation afin que la volonté du Père soit faite sur la Terre comme au Ciel.
Ce sont là les propres paroles de Jésus, transmises fidèlement depuis près de deux mille ans. Les dire, c’est aussi comprendre que Dieu n’est pas un dictateur omnipotent qui aime voir souffrir l’homme mais plutôt un Père qui a donné à l’homme la liberté de lui demander, dans la prière, que sa volonté – c’est-à-dire le bien de l’homme et uniquement son bien – soit faite, afin que règne sur Terre l’harmonie comme elle règne déjà dans les Cieux. Jésus nous dit, mes frères, que si nous avions suffisamment de foi, si nos prières étaient de meilleure qualité que celles des Pharisiens hypocrites qu’il a souvent fustigés, notre Père du Ciel nous accorderait tout ce que nous lui demandons avec le cœur, pour le bien (cf. Lc 17,6).
Mais peut-être, pour cela, devrions-nous préparer ce cœur à accueillir mieux encore, à chaque Noël, l’Homme-Dieu parmi nous ! Le préparer à accueillir tout particulièrement, au cours de l’année qui vient, son Esprit Saint, puisque c’est l’année que notre Saint-Père le pape a choisi de lui consacrer. Et nous en retirerons, à n’en pas douter, de grandes grâces. C’est pourquoi, mes frères, nous devons travailler à purifier notre cœur car, nous dit Jésus, c’est ce qui sort du cœur de l’homme qui est impur (cf. Mc 7, 20-23). « Vous donc, affirme saint Paul dans son Épître aux Colossiens, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience ; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte. […] Et puis, (qu’il y ait) par-dessus tout la charité, en laquelle se noue la perfection. Avec cela, que la paix du Christ règne dans vos cœurs. » (Col 3, 5-15)
Oui, mes frères, la paix du Christ ! La paix de Noël ! Soyons tous des agents de paix, et essayons, avec la force de l’Esprit Saint, avec sa sagesse et son intelligence, de toujours voir chez nos frères ce qui nous unit plutôt que ce qui nous divise. Essayons de nous entendre toujours sur l’essentiel plutôt que de chipoter sur les points de détail. Pour ce qui est de notre religion, veillons cependant, dans la plus grande charité, à ne pas trahir l’Écriture, à ne pas dénaturer notre foi.
Enfin, rendons grâce à Dieu, avec tous les anges, tous les saints et tous ceux qui nous ont précédés au Ciel et que nous aimons, de nous avoir donné son Fils Unique pour nous servir de modèle et nous sauver. Rendons grâce à Dieu d’avoir choisi pour ce Fils une mère humaine, une femme, qui, préservée du Péché, est aussi la mère et l’éducatrice toute désignée pour nous conduire sans détour à Jésus.
Pensons, mes frères, à la joie de cette radieuse Maman en cette nuit de Noël, pensons à la joie du Ciel. Et, lorsque nous nous apitoyons sur les souffrances de notre pauvre monde, pensons aussi aux frayeurs qu’ont dû éprouver Marie et Joseph du temps du roi Hérode, à leur angoisse lorsqu’ils ont perdu Jésus à Jérusalem, aux larmes de Marie lorsqu’elle se tenait au pied de la croix. Dieu n’a pas épargné angoisses et souffrances à la sainte Famille. Comment pourrions-nous en réchapper dans ce monde de péché ? Pourtant, mes frères, quelle joie immense a dû éprouver Marie au jour de la Résurrection, où Jésus, vainqueur de la mort et du Péché, est venu, comme le rapporte la Tradition, visiter sa Mère comme au jour de Noël ! Ce Jésus était non seulement vivant mais, par son sacrifice, il avait sauvé tous ceux qui solliciteraient son pardon.
Pour conclure, mes frères, nous, chrétiens, qui voulons conserver à la fête de Noël tout son sens, remercions Dieu en cette nuit de nous avoir fait don de cinq merveilleux présents : son Fils Jésus pour nous sauver, sa Parole pour nous instruire, son Eucharistie pour nous nourrir, son Esprit Saint pour nous parfaire au sein de l’Église, et sa sainte Mère, la Vierge Marie, pour nous aimer, nous protéger et nous conduire un jour au Ciel. Joyeux Noël à tous, mes frères !
Amen.