Message du 23 septembre 1990





Bien chers frères,

Regardez les randonneurs qui font l’ascension des sommets sans rechigner devant l’effort ! C’est spontanément qu’ils chargent sur leur dos leurs provisions et le matériel nécessaires, et qu’ils se mettent en route. S’ils s’imposent ce lourd fardeau et une fatigue musculaire parfois intense, leur sacrifice se voit cependant largement compensé par la contemplation de toutes les merveilles que la nature offre à leurs yeux et par la joie incomparable que leur apporte le franchissement des étapes difficiles. Pour rien au monde en effet ils ne donneraient leur place ni ne modifieraient l’itinéraire, certes ambitieux mais sûr, qu’ils se sont fixé…

Combien, dans leur zèle, ils aimeraient aussi faire partager à d’autres leur passion ! Cependant rares sont les hommes disposés à accomplir tant d’efforts pour arriver à ce but, dont ils ont même du mal à concevoir l’attrait : la vallée, croient-ils, leur suffit, avec ses maisons et ses commerces, ses restaurants et ses cinémas, sa vie encombrée de voitures et de touristes. Mais les randonneurs, eux, s’en éloignent sans regrets, et, lorsque son bourdonnement remonte de temps à autre à leur oreille, ils s’attristent de voir combien l’effort rebute l’homme et le fait fuir : « Ah ! s’ils savaient, tous ces gens, les joies de la montagne ! » soupirent-ils. Alors, ils rêvent à un monde où chacun vaincrait sa nonchalance et pourrait, avec eux, contempler la splendeur des cimes… « Comme la plupart des hommes sont futiles et paresseux ! se disent-ils. Que pourrions-nous faire pour les réveiller ? » Et, de retour dans la vallée, ils racontent encore leur expérience, désireux d’entraîner avec eux de nouvelles recrues.

Malheureusement, ils restent fort déçus du peu de volontaires. Ah ! si ce n’était ce maudit effort, une petite poignée se déciderait bien, mais chacun cherche une excuse à son refus : pour les uns c’est le cœur, pour les autres le dos, le manque d’entraînement, la peur du découragement, l’angoisse du vertige – ou plutôt quelque réticence à abandonner les pantoufles et le confort… « Il est vrai que tout effort suscite une peine, reconnaissent les randonneurs, mais l’essentiel est de vouloir arriver au but et de tout mettre en œuvre pour y parvenir. Chacun peut marcher à son propre rythme, expliquent-ils, et, au bout de quelque temps, l’endurance aidant, même le moins vigoureux gagne en force et en vitesse ! » Peu en sont convaincus.

Cependant, quelques estropiés, séduits par leur discours, en viennent à déplorer de ne pouvoir les suivre et pleurent sur leur triste sort : « Ah ! lancent-ils, désespérés. Si nous avions encore de bonnes jambes !… Pour nous, il est trop tard à présent ! » Mais Dieu, dans Sa grande Bonté, va les détromper en leur montrant qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire : il suffit, pour cela, de regretter le passé et d’espérer encore !

Voilà qu’un jour, en effet, un Montagnard plus hardi que les autres construit, au prix de sa vie, un téléphérique qui permet même aux plus estropiés l’accès au sommet en quelques minutes. Ceux qui veulent bien l’emprunter ne connaissent ni les joies de la randonnée ni le bonheur de la victoire, mais ils bénéficient tout de même de cette vue exceptionnelle qui restait jusque-là le privilège des randonneurs. Et nos malheureux estropiés, qui pensaient ne jamais pouvoir monter là-haut, se voient alors pris en charge par des âmes charitables, conduits jusqu’au téléphérique et propulsés vers les cimes. Ah ! frères bien-aimés, combien les randonneurs sont heureux de ce partage et combien, lorsque leurs frères estropiés les attendent déjà là-haut, il y a de pleurs de joie et d’embrassades émouvantes !…

Frères bien-aimés, le sommet de la montagne, c’est l’état de Grâce, qui conduit au Ciel. Les randonneurs, ce sont les bons chrétiens, qui marchent dans les traces du Christ et font tous les efforts nécessaires pour respecter les Commandements. Les estropiés, ce sont les hommes qui n’ont pas voulu suivre le même chemin et qui ont mutilé leur âme en vivant dans le péché. Touchés par l’exemple des randonneurs, certains finissent par regretter leur passé et désespèrent de jamais pouvoir les suivre. Mais vient le Montagnard plus hardi que les autres, le Christ, qui donne Sa vie pour sauver les pécheurs. En construisant le téléphérique, Il tend la main aux plus endurcis qu’Il invite, même après une vie entière de corruption, à changer leur cœur, à confesser leurs péchés auprès d’un prêtre, et à Le rejoindre au Ciel. Les âmes charitables, ce sont toutes celles qui, par leurs prières, leurs sacrifices, leurs paroles et leurs actions, contribuent à la conversion des pauvres pécheurs et les prennent en charge ; ce sont aussi les anges du Seigneur et les saints du Ciel qui intercèdent pour eux et suscitent en leur âme la soif de Dieu.

Ah ! combien le bon-chrétien est heureux, comme le randonneur, de partager avec tous ceux qui le souhaitent le bonheur des cimes ! Car il n’est plus Là-Haut ni mesquinerie ni jalousie, ni premier ni dernier arrivé : chacun est baigné dans un Monde d’Amour où nul jugement égoïste ne saurait survivre…

Si, pour moult raisons, l’homme se détourne du bonheur des cimes et lui préfère la grisaille des vallées terrestres, c’est-à-dire s’il choisit le péché plutôt que la volonté de faire le bien, mais qu’un beau jour il se rende compte de son erreur et de toutes les joies dont il s’est privé en se coupant de Dieu, il sombrera dans la mélancolie et se tournera vers les sommets avec regret, pensant qu’il est trop tard. Alors, Notre Seigneur, dans Sa Bonté magnanime envers le pécheur repentant, enverra sur sa route légions d’âmes charitables pour le conduire à Son téléphérique et le propulser jusqu’à Lui. Et nul être au monde, s’il aspire au bonheur du Ciel, ne saurait se permettre de critiquer en quoi que ce soit cette incommensurable Miséricorde ni de jalouser ses frères ainsi accueillis.

Frères, vous qui vous êtes donné tant de peine pour cheminer sur les traces de Notre Seigneur, si vous vous voyez un jour précédés Là-Haut par des pécheurs notoires dont vous aurez toujours pris bien soin d’éviter la compagnie sur cette terre, n’en soyez pas étonnés mais réjouissez-vous, car, grâce aux prières et aux intercessions des uns ou des autres, ils auront été rachetés et accueillis à la Table des élus ! Précipitez-vous alors vers ces êtres qui sur terre ne vous inspiraient que mépris ou répulsion, et ils vous ouvriront les bras : le Diable, à vos yeux terrestres, avait enlaidi leur visage, mais au Ciel, ce sont leurs véritables traits qui vous apparaîtront à la lumière de Dieu ! Amen.

+ Vos frères dans la Vérité