Message du 2 septembre 1990





Mon fils,

Nous nous réjouissons tous que tu aies eu le courage de t’engager davantage spirituellement en prononçant devant Notre Seigneur et Sa bonne Mère des vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Afin que tu comprennes la valeur de cet engagement, il est bon que tu saches qu’il existe une correspondance entre ces vœux et les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité.

L’obéissance est la plus pure manifestation de la foi. Lorsqu’un homme croit en Dieu, il ne peut que se soumettre à Son Église qui est le porte-parole du Message divin. Dans les Écritures Saintes, il puise l’enseignement qui fortifie sa foi, et dans l’Eucharistie, il puise la nourriture spirituelle qui l’aide à vivre concrètement les Commandements dans sa vie quotidienne. L’obéissance, lorsqu’elle atteint sa perfection, devient parfaite expression de l’amour : un amour qui ne cherche qu’à plaire à Dieu en effectuant Sa divine Volonté sans se regimber, dans la douceur du don total qui s’oublie soi-même pour combler celui qui attend. Si la nature la plus rebelle commence toujours par se cabrer lorsqu’il est question d’obéissance, elle est pourtant condamnée à plier sous le joug amoureux de Notre Seigneur lorsqu’elle souhaite vivre sa foi de manière authentique. Le cœur de l’homme n’est-il pas en effet un immense trésor d’amour capable d’accomplir les plus grandes choses lorsqu’il consent à se donner ?

Donner son cœur à Dieu en premier n’exige point de l’homme qu’il entre en religion. Il suffit simplement de vivre en accomplissant en tout la Volonté divine et en entraînant ses frères à l’accomplir également. La vie devient alors ô combien plus facile : tous les problèmes de conscience disparaissent, qu’il s’agisse d’égoïsme, de malhonnêteté, d’impureté, de méchanceté, de jalousie ; car le cœur est tout à Dieu, et lorsqu’une barrière se dresse en travers du chemin, la conscience a tôt fait, tranchante comme une lame aiguisée par les anges protecteurs, de déterminer la voie la meilleure pour l’âme et pour le corps. Et les gens de vous dire : « Comment ! Vous ne faites pas ceci ? Vous ne faites pas cela ? Mais ce n’est pas normal ! Vous devez être bien malheureux !…» Quelle hypocrisie ! Ce qu’ils ne vous disent point, c’est que le « ceci » ou le « cela » leur cause, malgré les jouissances toutes terrestres qu’ils peuvent en retirer, bien des soucis : déséquilibre, problèmes de santé, de conscience, de relations, ennuis de toutes sortes.

Mon fils, il faut vivre en Dieu et obéir à Dieu par amour. Même lorsque tu ne comprends pas la raison d’un impératif, exécute-le sans sourciller. Plus tard, tes yeux s’ouvriront et tu remercieras Notre Seigneur pour la sagesse de Ses exhortations. Les personnes qui prétendent vivre en harmonie avec Dieu mais qui ne se soumettent point à l’Enseignement de Pierre sont comme des outres percées : elles peuvent avoir toute l’apparence des outres saines mais elles sont vides et inutiles. Leur orgueil étouffe leur amour et, alors qu’elles pensent être dans la plénitude, elles vivent dans la sécheresse la plus totale. Il en est ainsi de tous ces prétendus catholiques qui se forgent une foi de leur cru en adaptant les Commandements à leurs situations particulières sans se soucier de la manière dont Dieu, qui les aime, souhaiterait qu’ils vivent. Il en est ainsi de tous ces êtres récalcitrants qui abandonnent l’Église, leur Mère, pour aller se repaître de théories étranges, de pseudo-mysticisme, d’ésotérisme et d’occultisme au sein de sectes ou associations condamnées par la Sainte Église.

Que ceux qui veulent être les amis de Notre Seigneur restent soumis à cette même Église, car il n’est nulle perfection sans obéissance. Cependant, Notre Seigneur souhaite que cette obéissance ne soit pas chez Ses enfants une contrainte de principe mais un acte d’amour. Car la perfection des perfections réside bien au-delà de toute loi : elle est obéissance du cœur, consentie, recherchée même, dans l’esprit du don total. L’effort coûte, mon enfant, mais l’habitude aidant, il devient familier. De là à l’acte d’amour authentique, il n’y a qu’un pas…

La chasteté est la plus pure manifestation de l’espérance, une espérance de tous les instants dans la Grâce de Dieu. Car c’est par la Grâce que l’homme devient chaste, et l’homme qui ne veut pas espérer sombre dans le découragement ou se réfugie dans le matérialisme et les plaisirs des sens. La chasteté ne peut pas s’obtenir par la force car elle naît dans le cœur de l’homme ; si le cœur sait aimer d’un amour pur et tendre, et s’il est assisté par la Grâce de Dieu, alors l’homme sera chaste et il aspirera à conserver cet état de paix avec la force de son espérance en Notre Seigneur.

Être chaste, c’est regarder le monde avec les yeux de l’amour et savoir contempler les merveilles de la Création dans toute la pureté de leur perfection, sans vice ni concupiscence. Mais l’homme est un être curieux, trop curieux ; un être avide de satisfactions charnelles et de variété. Cependant, s’il se tourne vers Dieu et accueille en son cœur la Grâce, il peut acquérir une telle sérénité et un tel capital d’amour que l’objet de ses désirs n’est plus convoité sensuellement mais aimé. Seul l’homme chaste est en mesure de comprendre cela. Qui n’a pas expérimenté la chasteté ne peut en décrire les bienfaits.

En dénaturant l’acte d’amour procréateur et en continuant de nommer « amour » les fiévreuses étreintes des couples d’une nuit, l’homme démontre son ignorance crasse du véritable amour. Car le véritable amour est nécessairement chaste et respectueux de la vie, nécessairement tendre et pudique. Il ne cherche point sans cesse à exciter les corps et à innover pour jouir davantage tout en se prémunissant contre une éventuelle naissance. Et combien plus la femme pure apprécie-t-elle la délicatesse d’un époux qui sait se montrer tendre et vivre chastement ! Combien elle est sensible à cette affectueuse complicité que manifestent un regard, un sourire, un geste affectueux et courtois, une parole douce et aimante ! Si le monde dans son ensemble n’incitait pas les couples aux satisfactions charnelles immédiates, s’il ne les contraignait pas à sans cesse se poser des questions sur leur normalité en la matière, si l’univers des médias, du spectacle et de la publicité ne fondait pas tout sur le sexe à travers le pouvoir hypnotique d’un érotisme malsain, alors, les couples seraient plus libres de vivre dans la chasteté.

Pourtant, personne ne les prive de cette liberté : il suffit qu’ils la désirent ensemble et que, se réfugiant entre les bras de Notre Seigneur et de Sa douce Mère, la toute pure Vierge Marie, ils commencent à espérer. Alors, Notre Seigneur leur enverra la Grâce : la Grâce de porter sur toute chose un regard sain, la Grâce d’éviter les sources de tentation et de curiosité, la Grâce de fuir les lieux de tentation et les êtres qui peuvent représenter un danger pour leur pureté. Il leur enverra la Grâce de s’aimer véritablement par des manifestations discrètes de tendresse qui seront tellement plus significatives qu’une apparente indifférence voire des relations orageuses au cours de la journée se terminant paradoxalement par de fiévreuses étreintes dans l’intimité du lit conjugal… Le fameux « devoir », quant à lui, ne saurait être, bien sûr, la soumission aveugle de Madame aux besoins empressés de Monsieur ou vice-versa : de quelle sorte d’amour telle manifestation contrainte et forcée serait-elle l’expression ? Non ! Ce « devoir » signifie tout simplement l’accomplissement du commandement de Dieu : « Fructifiez, multipliez » (Gn 1, 28), qui incite les couples à être féconds et à avoir une nombreuse descendance – ce qui n’est en rien contradictoire avec la vertu de chasteté, croyez-le bien !

Que les hommes fassent l’expérience de la pureté et de la chasteté ! qu’ils goûtent les joies de la maîtrise de soi et de l’état de sérénité qu’elles procurent : alors, ils comprendront ce que tant et tant ne peuvent ou ne veulent comprendre. Mais pour cela, il faut espérer, espérer dans la Grâce de Dieu en ce monde et espérer dans cette perfection qui conduit les hommes au bonheur du Ciel.

Enfin, la pauvreté est la plus pure manifestation de la charité. De quelle pauvreté s’agit-il ? te demanderas-tu, mon fils. De cette pauvreté que l’homme acquiert en se dépouillant volontairement de tout son amour-propre et de tout son orgueil, car ils étouffent son cœur et asservissent son âme ; de cette pauvreté que l’homme acquiert en se dépouillant de tout ce qui ne lui est pas, selon son état, nécessaire, et en partageant avec générosité ce qu’il possède.

Cependant, l’homme pauvre n’est pas nécessairement celui qui possède peu de biens matériels. Car on peut posséder peu et être très attaché à ce que l’on possède, ou même désirer posséder davantage ! La vraie pauvreté réside dans le cœur de l’homme. Un riche qui, du jour au lendemain, se verrait presque ruiné et accepterait sa situation en disant à Notre Seigneur : « Seigneur, Vous m’avez tout donné, Vous reprenez à présent Votre bien : que Votre Volonté soit faite ! » serait un vrai pauvre aux yeux de Dieu. L’homme, en effet, ne doit pas s’attacher aux choses matérielles, car, au jour du Grand Dépouillement, c’est nu comme un ver (cf. Job 1, 21) qu’il franchira les portes de la Vie. S’il s’est attaché à des possessions matérielles, il souffrira de ne les plus gérer. S’il possède beaucoup, il doit donc beaucoup donner à ses frères sans rien attendre en retour, et apprendre à partager ce qu’il possède pour le bien de la communauté. Et cela ne saurait se limiter à l’argent ! Si l’homme possède des talents, c’est-à-dire des qualités particulières, il les doit faire fructifier et offrir aux autres. Au sein du foyer, au travail, pendant les loisirs, toute qualité de quelque ordre qu’elle soit doit être manifestée pour le bien commun. Si ce sont des qualités de cœur, un esprit de bon sens, une intelligence vive, des capacités à exercer une activité particulière, qu’elles soient exercées en abondance sous le regard de Notre Seigneur !

Ah ! mon fils, quelle joie de partager ! et quelle satisfaction de voir l’égoïste troublé par la générosité de son frère, le colérique impressionné par la douceur, l’ignorant admiratif devant le sage, l’orgueilleux embarrassé par l’homme humble, le nécessiteux reconnaissant envers le généreux, l’opprimé envers le magnanime, le rejeté envers l’hôte accueillant. Tels sont les attributs de la vraie pauvreté, manifestation de la charité. Le cœur, mon fils, le cœur doit rester le maître mot de tes trois vœux. Ne l’oublie jamais ! Et, comme tu peux le voir à travers ces dernières paroles, être pauvre c’est non seulement se dépouiller de ce que l’on possède en donnant et en partageant, mais c’est aussi se dépouiller de soi-même. Tu possèdes des titres, des diplômes : agis comme si tu n’en possédais pas ! Donne à tes frères le fruit de tes connaissances mais conserve une grande humilité et oublie tout ce qui peut te donner de l’importance aux yeux du monde. J’insiste sur ce point car si ton humilité spirituelle est grande vis-à-vis du charisme que Notre Seigneur t’a confié, tu restes cependant trop attaché à ta position. Sache adopter envers elle la même attitude qu’envers ton charisme et tu parviendras alors à vivre ton vœu mieux encore.

Donner… Donner un sourire, une poignée de main, un baiser, une parole aimable, telles sont déjà des expressions de la charité. Lorsque le cœur de l’autre est touché, Notre Seigneur est satisfait. L’argent ne fait pas tout, mon fils, tu le sais ! Le don de soi fait bien davantage. Médite ces paroles, mon cher fils, et invite tes amis à faire de même. Les vœux sont une manière plus sûre encore pour le laïc de cheminer vers la sainteté. Ils sont source de Grâces et de purification. La Confession fréquente doit les accompagner et le chapelet quotidien les fortifier de l’amour de notre bonne Mère.

Que Notre Seigneur et Sa bienheureuse Mère te protègent, mon fils, toi, tes amis et vos familles. En Leur nom, je vous bénis.

+ François de Sales, prêtre