Message du 26 octobre 1985
Frères aimés,
Combien vous manquez d’amour entre vous, chrétiens ! Combien vous comprenez mal votre religion ! Tant que vous vous attacherez à couper les cheveux en quatre et à vous délecter de querelles théologiques, tant que vous ne regarderez pas votre prochain avec amour et compassion, tant que vous jugerez impitoyablement aussi bien son comportement que sa pratique religieuse, tant que vous aurez dans le cœur des sentiments de méfiance, de mépris, de violence même, tant que vous aurez sur les lèvres des paroles méchantes et des propos désagréables envers vos frères, tant que vous ne mettrez point tout en œuvre pour établir la paix avec vous-mêmes et avec les autres, vous serez dans l’erreur !
Relisez l’Évangile, chers frères. Qu’est-il dit de Jésus-Christ, notre Maître ? Il est Amour, tout Amour ! Que dit Paul aux Romains ?
« À celui qui est faible dans la foi, soyez accueillants (…). Finissons-en donc avec ces jugements les uns sur les autres : jugez plutôt qu’il ne faut rien mettre devant votre frère qui le fasse buter ou tomber. (…) Mais c’est un devoir, pour nous, les forts, de porter les faiblesses de ceux qui n’ont pas cette force et de ne point rechercher ce qui nous plaît. » (Rm 14, 1.13 ; 15, 1).
Ainsi, nous vous l’affirmons : celui qui juge son frère tout en faisant des actes de piété est comme celui qui, pour la traversée d’un désert, remplit des outres percées. Qu’il se rende compte que sans l’amour, sa foi est vaine et dénuée de sens. Il ne suffit point de crier : « Mon Dieu, mon Dieu, pitié pour mes frères et pour moi-même ! » ni de réciter prière sur prière, mais il faut agir concrètement en se réconciliant d’abord avec son frère.
Amis, que celui qui se sent proche de Dieu et de Sa Très Sainte Maman et qui se croit investi de l’Esprit Saint commence par se tourner vers ses frères et se dise : « Suis-je tout amour, toute compassion, toute charité envers tous mes frères dans la foi ? Puis-je leur affirmer à tous sans hypocrisie : ‘Je t’aime comme moi-même’ ? Puis-je avoir avec tous commerce sans me sentir ni me montrer supérieur ? » S’il n’en est pas ainsi, amis, l’esprit qui vous investit n’est pas celui de Dieu mais celui de votre propre aveuglement, celui de l’orgueil, qui vous pousse à vous mortifier et à mener une vie exceptionnelle de prière et de pratique des Sacrements sans véritablement aimer ! Soyez ouverts à tous et accueillants pour tous. Sinon, nous sommes au regret de vous dire que votre attitude est sectaire et manque de l’élémentaire charité enseignée par notre Maître. C’est pourquoi, en désirant si ardemment être dans la voie, vous vous êtes vous-mêmes aveuglés et restez les victimes de votre propre aveuglement. Puisse le Seigneur, pour votre fidélité à tous les autres Commandements, enseigner à votre cœur ce qu’est vraiment l’amour ! Avez-vous du mérite à n’aimer que les personnes qui sont soumises à vos opinions, à vos goûts, à vos caprices ? Si vous ne créez autour de vous qu’un groupe d’adeptes qui se coupe du monde et ne pratique point la charité ailleurs qu’au sein du groupe, quelle est donc votre foi ? Quelle est donc votre charité ?
Ayez la sincérité de vous analyser : peut-être n’aimez-vous pas, par souci d’humilité, vous contempler dans un miroir ou vous vêtir chèrement, vivre dans le luxe. Peut-être offrez-vous de perpétuels sacrifices au Seigneur – et cela est tout à votre honneur -, mais contemplez votre âme : comment la trouvez-vous ? Vous êtes fiers de vos efforts, vous admirez sa blancheur, vous êtes satisfaits de vous-mêmes. Vous suivez une voix intérieure qui vous incite à mener une vie exempte de désordres et d’impureté, et vous vous délectez de l’entendre vous susurrer que vous êtes dans la vérité. Votre joie est grande tant cette communion avec cette voix que vous croyez être du Ciel est profonde. Dans la prière, dans le recueillement, vous écoutez cette voix venue d’un « Ciel » qui vous flatte, qui vous rassure, qui fortifie votre foi, mais qui, paradoxalement, ne vous interdit pas de juger vos frères, vous dictant même parfois des condamnations implacables que vous recevez sans murmurer !…
N’est-il pas étrange que cette voix, que vous croyez venue de Dieu, vous coupe ainsi de certains de vos frères dans la foi, vous demande de ne plus les côtoyer, et vous pousse à mettre votre entourage en garde contre eux ? Comment cela est-il possible ? Dieu serait-Il en contradiction avec Lui-même ? Ne soyez pas aveuglés par votre orgueil, frères aimés, car telle est là votre maladie, une maladie de l’âme qui est difficile à guérir, celle qui pousse au sectarisme et souvent à la violence au nom du Seigneur, alors que le Seigneur n’est qu’Amour !…
L’orgueil spirituel est une maladie de l’âme qui lui peut être fatale, et il faut que tous les chrétiens prennent conscience que si le laxisme est, certes, grave au sein de la société, l’orgueil spirituel, qui se veut à l’opposé, est néanmoins tout aussi grave. Ne condamnez pas le feu parce qu’il brûle : il peut aussi réchauffer ! N’attribuez pas à l’eau toutes les vertus parce qu’elle purifie et désaltère : elle peut aussi noyer ! Tel est le cas de la spiritualité lorsqu’elle est mal dosée : si elle est mêlée d’orgueil, elle n’atteint pas son but !…
Frères aimés, commencez, dans votre ardeur spirituelle, à vous considérer comme des tout-petits. Prenez conscience de votre misère et de votre faiblesse. Sachez que si le monde ne vous tente plus, si les choses matérielles vous inspirent du dégoût, si l’impureté vous rebute, ce peut être, en effet, à la Grâce de Dieu que vous le devez, mais ce peut être aussi le produit de la mélancolie ou de quelque état pathologique.
Si vous croyez posséder un charisme de quelque nature qu’il soit, soumettez-le à l’Église afin qu’il puisse contribuer à son incessante édification plutôt qu’à la destruction de certains de vos frères et donc de vous-mêmes. Un charisme n’a jamais servi, s’il est authentique, à condamner des frères ! Jésus et Ses Apôtres éloignaient-ils d’eux les possédés eux-mêmes ? Non point ! Ils chassaient les esprits mauvais qui tourmentaient ces malheureux afin qu’ils soient de nouveau libres de se donner à l’amour ! Évertuez-vous donc à chasser le mal sans rejeter les personnes. Conduisez à l’Église tous les enfants du Seigneur dispersés. Ne vous fiez pas à des impressions ou révélations personnelles si vous sentez qu’elles peuvent être contraires à la charité, mais soumettez-les à un prêtre. Toutes les personnes possédant des charismes doivent avoir un directeur spirituel compétent, qui sache leur montrer tout ce qui, dans les fruits du charisme, a pu s’immiscer, procédant de la personne elle-même ou de sa subconscience, et non pas du Seigneur. Il est donc nécessaire aux privilégiés de Dieu de rester humbles et de tout soumettre à l’Église avant même de le divulguer au monde.
Que ceux qui pensent être inspirés de l’Esprit Saint ne se vantent pas et ne critiquent pas leurs frères, car le Démon, qui est très fort, sait utiliser leurs quelques défauts – et en particulier l’orgueil spirituel – pour détruire parfois des œuvres parfaitement bonnes. Ayez donc, outre la charité, l’humilité, ennemie de l’orgueil spirituel. La véritable charité vient du cœur. Car il est aussi une autre charité : celle qui donne aux pauvres son superflu en prenant des airs supérieurs, ou pour se faire remarquer aux yeux du monde. La véritable humilité vient du cœur. Car il est aussi une autre humilité : celle qui n’est qu’apparente et s’exprime seulement par des mots, mais qui se révolte lorsque la personne est dépréciée, rabaissée ou ignorée…
Soyez vigilants ! Toute personne qui désire attirer sur elle l’attention de ses frères pour se faire admirer ou louer n’est plus dans la voie du Seigneur, car il faut se faire tout petits pour devenir grands. Le bébé ne vient-il pas au monde faible et nu comme un ver ? N’est-il point le plus petit d’entre tous les hommes lorsqu’il naît à la vie terrestre ? Ainsi donc, si vous désirez naître à la vie surnaturelle et posséder la Vie Éternelle, redevenez des tout-petits. Aspirez non pas à être grands mais à être petits afin que le monde puisse vous regarder avec mépris. Aspirez à être purs afin de rayonner de lumière au milieu de l’impureté du monde. Aspirez à être simples et à ne point attirer sur vous l’attention de vos frères.
Au fond de vous-mêmes, soyez convaincus de cette petitesse. Dieu, qui lit dans les cœurs, verra votre sincérité. S’il vous donne aujourd’hui quelques faveurs, ne vous en attribuez point les mérites, car elles sont purement gratuites et Il peut à tout instant vous les retirer.
Trouvez votre bonheur et votre force dans la petitesse et la simplicité. N’encombrez votre esprit ni de grands raisonnements théologiques ni de grandes phrases : c’est dans la simplicité, l’humilité et l’amour que vous trouverez toutes les solutions, toutes les clés, toute la Vie ! Éloignez-vous du monde par l’esprit tout en vivant dans le monde pour y faire des conversions. Souriez même dans l’épreuve afin que l’on puisse dire de vous : « Même dans son malheur, il reste dans la paix… »
Que la Paix de Dieu soit avec vous et que le Véritable Esprit vous éloigne du Malin et de l’orgueil spirituel, fléau des âmes pieuses. Frères à qui Dieu a donné un charisme, ne le conservez pas pour vous-mêmes et les vôtres. Ne le rejetez pas parce qu’il vous dépasse. N’en retirez ni gloire ni vanité, mais soumettez-le à un directeur spirituel compétent qui saura le canaliser afin que la communauté tout entière en retire les bénéfices. Si vous gériez vous-mêmes votre bien, vous risqueriez de vous tromper, soumis aux conseils sournois du Tentateur. N’oubliez pas que les charismes sont de Dieu mais que leur utilisation peut être du Diable. Soyez donc obéissants à l’Église et à Son jugement. Que l’Esprit Saint vous conduise à des prêtres qui sauront vous comprendre et vous aider dans votre difficile tâche d’enfants privilégiés.
+ Vos frères dans la Foi