Message du 9 octobre 1988





(Au messager et à son frère spirituel)

Mes enfants,

La vie de l’homme est comme une route dont la topographie se modifie selon le type de véhicule qui l’emprunte. Ainsi les moments critiques d’une vie burinent-ils le psychisme humain au point de l’ébranler et de laisser en lui des marques difficilement réparables.

D’aucuns évitent de repasser au même endroit afin de ne point endommager leur véhicule, ce qui est fort louable. D’autres, au contraire, préfèrent y repasser sans précautions au risque de se détruire. D’autres enfin choisissent d’y repasser tout en se munissant de sable, de gravier et de pelles afin de réparer les endroits qui ont été précédemment détériorés. Alors, petit à petit, ils voient la route changer d’aspect et, repassant sur les lieux où se trouvaient les ornières, ils ne subissent plus que de légers soubresauts.

Ne regrettez pas de choisir cette dernière voie, mes enfants, et ne vous attardez point sur les secousses que vous subissez encore. Une ornière ne peut se colmater du jour au lendemain. Mais soyez très prudents, car si vous jouez avec le sable au lieu de l’utiliser à boucher les trous, votre démarche ne sera que du temps perdu et votre véhicule à l’arrêt risquera de creuser une ornière supplémentaire sur la route ! Que s’exerce toujours votre discernement : l’humilité que vous vous témoignez l’un l’autre et la confiance réciproque que vous vous portez doivent vous permettre d’aller de l’avant. Que vos chemins soient nets et aplanis. Puisque vous avez la chance de vivre une telle amitié, aidez-vous et soutenez-vous sans vous juger et avec beaucoup de compréhension et de charité. Gardez confiance. Lisez, priez et méditez ensemble. Demandez des Grâces à Notre Seigneur ensemble. Que votre prière soit plus forte, plus sincère, plus amoureuse. Vos paroles sont encore mécaniques et vous attachez beaucoup trop d’importance à la quantité de prières que vous récitez alors que vous en négligez souvent la qualité. Mieux vaudrait alors que dans les moments de tentation vous vous montriez plus prompts à accueillir la Grâce de Dieu, qui vous éviterait la chute ! Priez l’un pour l’autre avec le cœur et vous serez étonnés des Grâces que vous recevrez. Priez pour vos familles respectives et pour vos ancêtres, ceux qui n’ont plus de prières et qui souffrent en Purgatoire : ne serez-vous pas heureux d’apprendre un jour que vos intercessions ont porté leurs fruits ?

Je voudrais aussi vous entretenir de l’Eucharistie. Avant que de vous rendre à la Sainte Communion, il vous y faut préparer et ne point oublier qu’elle est avant tout « union ». Lorsque vous faites des courses et que vous achetez quelque friandise, vous vous régalez à l’avance en pensant à la douceur dont elle va imprégner votre palais et, plus tard, vous la savourez avec délectation. Cependant, elle ne saurait combler votre personne tout entière comme seul un échange avec un être aimé peut le faire. Lorsque vous recevez Notre Seigneur dans l’Eucharistie, mes enfants, apprenez toujours mieux à ressentir Sa Présence, celle d’une Personne qui vous aime et vient nourrir votre âme. Trop de chrétiens L’accueillent, en effet, comme un simple morceau de pain ou une simple friandise, et ils reviennent à leur place en mâchonnant après L’avoir reçu, sans aucun élan du cœur, sans aucune parole intérieure, sans aucun mot doux pour leur Bien-Aimé ! Ces personnes portent souvent plus d’attention aux produits qu’elles achètent au supermarché qu’elles n’en portent à Notre Seigneur dans la Sainte Communion.

Si vous revenez à votre place en pensant au rôti qui est dans le four, à la randonnée de l’après-midi, en admirant le nouveau manteau bleu de madame votre voisine, ou si vous vous mettez à chanter dès que vous avez reçu Notre-Seigneur, à quoi cela sert-il ? L’acte de Communion n’est pas une fin en soi et pourtant, n’est-ce pas ainsi que la plupart des chrétiens malheureusement le considèrent ? Un acte machinal qui clôt une cérémonie et que chacun doit accomplir pour faire comme les autres, car le fait de rester à sa place pourrait sans aucun doute porter votre entourage à déblatérer sur votre évidente indignité…

Mes enfants, vous savez l’importance du dialogue intérieur qui peut être instauré avec Notre Seigneur après avoir reçu la Sainte Hostie : dites autour de vous ce bienfait ! Le bénéfice de la Communion réside dans la nourriture qu’elle apporte à l’âme : c’est pourquoi il s’y faut préparer avec le plus grand respect. L’Hostie Consacrée n’est plus un simple morceau de pain, elle est le Christ ! le Christ qui s’est offert pour nous tous et qui attend que vous dialoguiez avec Lui après L’avoir reçu. Ceux qui ne le font point sont comme des myopes qui se réjouiraient à l’idée de posséder une paire de lunettes mais jamais ne la chausseraient, ou encore comme de prétendus mélomanes qui se procureraient avec empressement un enregistrement de musique et le conserveraient sans jamais l’écouter.

Celui qui ne dialogue pas avec Notre-Seigneur, Sa Sainte Mère et tous les saints qu’il aime dans une intense communion avec l’Eglise du Ciel, afin d’y puiser force et courage pour cheminer vers une plus grande perfection n’a pas vraiment compris le sens de l’Eucharistie.

Ah ! mes enfants, de quelle union je vous parle ! Une union intime avec son propre Dieu, une union amoureuse, affectueuse, attentionnée ; une union douce qui pousse au dialogue, à la confidence, à l’offrande de son cœur, à l’échange avec l’Autre et à la réception de Ses Grâces et de Ses dons ; une union, enfin, qui ne peut qu’inciter l’homme humble à l’action de grâces.

Mes enfants, expliquez ceci à vos frères chrétiens afin qu’ils le comprennent. Je vous encourage à communier souvent, mais toujours avec un corps et une âme parfaitement purs : il y a, en effet, aujourd’hui tant de communions sacrilèges !

Que Notre Seigneur et Sa Très Sainte Mère vous protègent ; et moi, Leur très humble serviteur, je vous bénis.

+ François de Sales, prêtre